Les origines de l’Atelier des Médias
Ni salarié, ni subvention et le moins cher de Lyon. Depuis 2011, l’Atelier des Médias est le plus ancien coworking et le seul autogéré de la métropole rhodanienne. L’aboutissement d’une série de rencontres fructueuses, consolidées par une gouvernance horizontale.
Le terme « coworking », Pascale Lagahe l’a entendu un matin sur Canal +. Son téléviseur diffusait un reportage sur le premier espace de travail partagé français né à Paris. Freelances et entrepreneurs y partagent bureaux et déjeuners. Un concept innovant en cette année 2010. À l’affût des nouvelles tendances, la journaliste visite les lieux et revient à Lyon partager sa découverte avec ses confrères indépendants. Bruno Crozat, Laurent Poillot, Laure Marandet, Farid Sidi-Boumedine, Julius Suzat… Ils sont déjà quelques-uns à partager un étroit bureau dans les pentes de la Croix-Rousse et davantage à rêver d’un vrai espace de travail. Le modèle parisien leur plaît, reste à le calquer dans la capitale du Rhône.
En quête d’un espace, les journalistes toquent aux portes des investisseurs et des politiques pour financer leur projet. Ils peinent à convaincre. « Votre modèle économique est nul », leur assène un banquier. Par jeu de réseau, Laurent Poillot parvient à décrocher un rendez-vous avec le président de la MACIF Rhône-Alpes fin décembre 2010. Conquis, l’assureur leur propose d’occuper gratuitement un local de 120 m² avenue Maréchal de Saxe pendant six mois. « Il a vu l’ambition du projet, son utilité et a trouvé ça génial. Ça a marché sur l’enthousiasme d’une personne », se souvient Bruno Crozat.
Coworking avenue Maréchal de Saxe
Le bail est signé fin janvier, les lieux sont investis début février. M6, France 3, les quotidiens nationaux… Leur projet attire l’œil des médias. Tous scrutent ce premier « espace de travail partagé » lyonnais et suscitent l’émulation. Une trentaine d’intéressés viennent poser écrans et claviers sur un coin de table. Leur loyer permet d’amasser un trésor de guerre pour planifier un projet plus durable. Fin juin, l’équipe visite les locaux du 9 quai André Lassagne, puis y pose ses bureaux à l’été 2011.
« On voulait que l’ADM survive à ses fondateurs »
« En un an, on est passé de 4 dans un petit bureau des pentes à 60 dans un immense local sur les quais », dépeint Laure Marandet. Cette croissance rapide oblige à repenser le cadre de fonctionnement pour trouver une organisation durable. « La question “qui fait quoi” est arrivée très vite. Qui peut mettre de l’énergie dans la gestion du lieu ? » interroge Pascale Lagahe. Dans sa carrière, la journaliste a observé « beaucoup d’associations qui s’encroûtent avec des présidents à vie ». Une crainte partagée par Laure, qui appuie : « Notre but, c’était de fonder un lieu auto et co-géré. On voulait que l’ADM survive à ses fondateurs. »
Ces réflexions débouchent sur l’obligation de renouveler le conseil d’administration tous les six mois, et pour chaque membre de participer activement à une commission spécialisée quelques heures par mois : trésorerie, recrutement, communication, vie quotidienne, informatique… Fractionner les tâches permet de répartir équitablement la charge de faire fonctionner l’Atelier Des Médias.
Assemblée générale de l’ADM
En quête de mixité stimulant la créativité, l’équipe de journalistes s’ouvre aux métiers de l’image, de la communication et du web. « On a eu des profils éclectiques : une illustratrice, un photographe, quelqu’un de l’événementiel… » liste Pascale Lagahe. Avec un critère de sélection à l’entrée pointe Laure Marandet : « Sélectionner ceux qui acceptent de jouer le jeu collectif, c’est important. » Et d’appliquer ses valeurs : « Un esprit d’intérêt commun, ouvert à la nouveauté, le faire-ensemble, une rigueur comptable, le partage… » énumère Bruno Crozat.
Pour souder le collectif, « on faisait pas mal de fêtes, lâche avec un rire Bruno Crozat. Ça créait un lien plus fort que si on travaillait « juste » les uns à côté des autres. » Les mailles de l’association se serrent également en investissant les 212 m² donnant sur les quais. « On a fait des week-end de travaux pour refaire le parquet, le mur et les sols », se rappelle Laure Marandet, pour qui l’ADM « c’est comme une famille, ça fait un lien. On s’entraide spontanément. Il y a l’idée que si tu en fais partie, c’est que tu es quelqu’un de bien. »