Focus métier. Illustratrice, avec Claudine Morel
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10 questions à Claudine Morel, illustratrice jeunesse en poste fixe à l’Atelier des Médias
Salut Claudine ! En une ligne, comment définirais-tu ton travail ?
Mon travail, c’est raconter en image, rendre visible à l’oeil, au coeur et à l’esprit ce qui n’est pas raconté par les mots et les autres moyens de communication.
Qu’illustres-tu ?
J’illustre des livres jeunesse, en fiction ou en documentaire, des rubriques et articles pour la presse et pour des entreprises, des faire-parts de naissance, cartes de voeux, cartes postales, affiches et flyers, pochettes de CD, des tasses… Et bien que je ne sois pas graphiste de formation, il m’arrive de créer des logos et faire de la mise en page d’affiches et de dépliants.
Site internet : Claudine Morel Illustrations
Tu ne dessines que pour les enfants ?
Non, pas exclusivement. J’ai par exemple travaillé pour un magazine d’information juridique et patrimoniale et pour des entreprises. Mais j’aime le monde des enfants, c’est dans ce domaine que s »épanouit mon travail, et que je me sens à l’aise et heureuse. De fait, c’est plutôt pour l’illustration jeunesse qu’on fait appel à moi aujourd’hui.
Quel a été ton plus beau projet jusqu’à présent ?
Mon premier livre, « À la Rencontre », édité chez Didier Jeunesse, maison d »édition épatante avec qui j’ai la chance d’en préparer un deuxième, qui paraîtra en août 2016. Tout comme la série de tasses que j’ai illustrées, il est la concrétisation de ce que j’aime dans mon métier : au-delà du plaisir de dessiner, celui que mes images aillent à la rencontre des gens et, si possible, les touchent et leur apporte de la joie, de la douceur, de l’optimisme… Bref, le souhait qu’elles changent un tout petit peu, rien qu’un tout petit peu leur vie, en bien.
Tu dessines aux crayons de couleur, ce n’est pas anachronique à l’heure du numérique ?
Héhé… Demandez à un violoncelliste pourquoi il joue toujours de son instrument alors que le numérique peut lui permettre de créer une multitude de sons qui y ressemblent…
Je sais que je fais parfois un peu figure d’OVNI à l’ADM, avec mes crayons et mes feuilles de papier. Mais j’ai aussi un super ordi tout neuf, une tablette graphique, un scanner et les logiciels pour m’en servir ! Simplement, je sais utiliser et ai besoin de chacun de ces outils. Il me semble donc inutile de les opposer, car ils sont complémentaires. Rien ne remplace le travail au crayon sur le papier, avec lesquels je me sens bien et d’où tout naît : l »énergie du trait, grâce la résistance du papier, la pression du crayon, les accidents qui créent des merveilles, la spontanéité et le côté brut, concret, et surtout fini de ce travail. Et rien ne ressemble à la couleur et la lumière des pigments des crayons de couleur sur le papier.
Je me sers du numérique pour le traitement de l’image, la mise en page, d’autres esthétiques… C’est un outil fabuleux, qui permet de travailler vite, d’effacer et de recommencer à l’infini, ce qui est un vrai confort – mais parfois un piège!, et d’obtenir des effets que le « réel » ne permet pas. Chacun a ses avantages ! Donc non, dessiner au crayon n’est pas anachronique. C’est même, je crois, être bien de son temps que de savoir utiliser et faire cohabiter harmonieusement tous les outils. Tout est histoire de choix, selon son objectif et son aisance aussi. On choisit l’outil qui nous appelle, avec lequel on se sent bien et qui nous permet de nous exprimer au mieux.
Quelles sont les difficultés de ton métier ?
Comme pour beaucoup d’indépendants, c’est principalement le souci de s’assurer une activité et des revenus réguliers, dans un contexte où les missions et projets ont toujours une fin. Qui plus est dans un métier créatif, qui nécessite un tempo et une souplesse bien particuliers, la créativité et l’inspiration n »étant pas des éléments qu’on peut glisser de force dans des cases temporelles fixes. C’est parce qu’il y a des moments de vide et de calme qu’elles peuvent se manifester, il leur faut de l’espace, de la détente, et c’est quelque chose à apprivoiser dès que possible pour ne pas se sentir coupable parce qu’on a l’impression de ne rien faire. Accepter de s’arrêter quand ça n’avance plus, revenir plus tard, afin de saisir le bon moment et être réceptif. Pas facile dans un monde où on nous demande plutôt de respecter des horaires et des exigences collectives, mais ça aussi ça s’apprend ! Enfin, comme dans beaucoup de professions artistiques, il est parfois pesant d’avoir à justifier de sa rémunération aux yeux des quelques personnes qui pensent encore que, parce qu’on aime faire son métier et qu’on a une certaine aisance à le pratiquer, on devrait se contenter du plaisir, de la grâce, et de la pub gratuite pour gagner sa vie ! Derrière toute illustration, il y a du temps passé, un savoir-faire et des compétences acquis avec des formations, de l’expérience, c’est un vrai travail, qui mérite donc une rémunération décente. Faire reconnaître tout cela demande des efforts et de la persévérance, mais à force de dialogue et de pédagogie, et du fait que la profession se structure et s’organise, je crois qu’on y parvient.
Comment rencontres-tu tes clients ?
Par le biais de mon site qui est mon interface, mon « CV », beaucoup aussi par le bouche à oreille, et par la visibilité que m’offrent mon premier livre et mes réalisations (édition, affiches, presse…).Via les collaborations et les bons plans partagés par les collègues et amis. Dans un métier de l’image, on n »échappe pas à la nécessité de se rendre visible ! Et hélas on n’apprend pas ça dans les écoles d’art. Donc même si je préfère être tranquille dans mon coin avec mes crayons, j’apprends à faire découvrir mon travail, oser contacter et relancer les éditeurs, les clients potentiels, faire preuve d’audace et aussi d’inventivité.
Avec « À la rencontre », tu es devenue célèbre pour tes animaux farfelus, lequel es-tu ?
Mais non, je ne suis pas célèbre, même si je suis évidemment l’héroïne de ma famille et de mes amis !
Le couple girafe et croco qui se fait un câlin, parce qu’au fond de ton pire ennemi se cache un être qui a besoin de tendresse ! Ex-æquo avec la tortue et son énorme coupe afro, parce qu’elle incarne la bénédiction que j’ai officiellement reçue de l »éditeur de laisser se manifester folie douce, humour décalé et la joie que je n’osais pas toujours afficher dans mon travail.
Es-tu un mouton à 5 pattes ?
Parfois, oui, je me sens décalée, à faire à 40 ans un métier où dans sa tête il faut parfois pouvoir en avoir 6, et qui ne ressemble pas trop à un métier « normal » avec salaire régulier, emploi du temps et rythme de travail fixes. Mais j’adore mon métier, et je commence à me réconcilier avec ça. Il est temps !
À l’ADM tu as un bureau fixe, c’est indispensable pour toi ?
Oui, parce que tous ces crayons, papier, ordinateur, scanner, dessins et dossiers ne tiendraient pas dans un casier, et encore moins sur mon vélo ! Et l’intérêt d »être à l’ADM, c’est justement d’avoir le cadre dont j’ai besoin : un lieu de travail, des collègues et amis, des repères qui me structurent autant qu’ils m’aident à rester libre. Comme un arbre a besoin de planter ses racines bien solidement dans une terre fertile, pour pouvoir laisser pousser et grandir ses branches, et laisser ses feuilles faire les folles dans le vent !
Contact et liens
Claudine Morel Illustratrice : https://claudinemorel.ultra-book.com/
Les mugs de Claudine sont aussi disponibles en anglais, ou en allemand